Martine Laville, Professeure de nutrition, responsable du centre intégré de l’obésité aux Hospices Civil de Lyon et coordinatrice du réseau de recherche clinique Force, était présente à Nantes, les 18 et 19 janvier, aux 40es Journées scientifiques de l’AFERO. Rencontre avec la porte-voix de la « communauté » obésité qui a été découverte du grand public grâce à son rapport « Mieux prévenir et prendre en charge l’obésité en France », riche de 40 recommandations, remis au gouvernement l’année dernière…

Lorsque vous avez remis fin avril 2023, à François Braun, alors Ministre de la Santé et de la Prévention, et à Jean-Christophe Combe, alors Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, votre rapport sur la prévention et la prise en charge de l’obésité, vous avez déclaré « maintenant, tout est sur la table : il faut avancer ! » Nous en sommes où aujourd’hui ?

C’est encore sur la table, il faut accélérer mais des choses ont bougé. D’une part, déjà, de la part de la communauté notamment avec le dynamisme des articles 51 et le fait qu’il y a déjà un article 51 EMNO qui a été évalué positivement et qui passe dans une phase intermédiaire avant le passage au droit commun. Donc, ça c’est déjà une évolution majeure sur la façon de prendre en charge les patients.

Sur la prévention, il y a quand même quelques actions qui ont été reprises notamment dans le pacte des solidarités. Celui-ci est à bien lire car il y a des choses sur la restauration scolaire, sur la petite enfance, la protection des enfants en situation de paupérisation et l’aide aux 1 000 premiers jours de l’enfant qui fait partie des axes très important pour la prévention de l’obésité dont celle infantile. Et l’autre chose qui arrive, c’est bien sûr les médicaments avec les études qui prouvent leur efficacité. Je pense notamment à la dernière étude SELECT sur Wegovy qui montre quand même la prévention cardio-vasculaire, ce qui était demandé par les autorités et notamment par la commission de la transparence de la Haute autorité de santé française (HAS).

Cela nous permet d’espérer qu’un jour, pas trop tardif, on pourra avoir un remboursement du médicament pour nos patients. Ce sont des avancées qui sont faites en parallèle avec le rendu du rapport mais qui sont majeures et qui permettent d’espérer une amélioration.

« Ce sont des paroles qui finissent par porter »

Sur ces deux jours, lors de vos différentes interventions lors des « sessions cliniques », et encore lors de cet entretien, vous vous montrez résolument optimiste pour l’avenir…

Oui je suis quelqu’un de très optimiste et tenace ! Parce qu’aussi la communauté porte le bon message, avec conviction, et que de ma petite expérience de rendu de mission, je me suis aperçue effectivement que la communication autour du problème de l’obésité, sur le fait qu’il existe de réelles solutions, sur l’existence d’une communauté médicale et para-médicale qui est derrière et qui peut aussi apporter des solutions, était très importante. Même s’il y a des aléas politiques au niveau gouvernemental, ce sont des paroles qui finissent par porter et j’y crois vraiment.

Que faut-il faire aujourd’hui pour que les mentalités évoluent enfin sur la prise en compte de la maladie obésité ?

Il y a deux éléments là-dedans. Le premier : c’est notre faute à nous, la communauté. Parce qu’on expliquait beaucoup, trop, la balance énergétique : on prend du poids parce qu’il y a une balance entre les entrées et les sorties. Alors, c’est simple : comment perdre du poids ? On met la balance en négatif en mangeant moins et en bougeant plus, voilà. Mais on n’a pas assez expliqué tout le reste : le développement du tissu adipeux, la fibrose, le comportement alimentaire, les hormones de la réduction de l’appétit, etc. Alors, effectivement, il faut remettre de la science dans notre discours, pas trop naïve mais un peu globale. Il faut informer sur ce qu’est vraiment l’obésité.

Le second élément, c’est de parler de façon globale du poids de la population française et mondiale. Le poids monte, les statistiques le prouvent, et cela a des conséquences importantes sur notre santé. Oui, c’est ennuyeux car plusieurs types de maladies (les fameuses 19 maladies liées à l’obésité) peuvent apparaitre alors chez les personnes concernées par cet état de fait. Et cela a des incidences financières et sur la productivité d’une nation. Donc, c’est grave. C’est le signe d’une société qui va mal car elle a un environnement obésogène qui nous pollue et qui nous intoxique. C’est aussi un signe d’inégalités. Il faut mieux expliquer l’obésité mais surtout avoir une vision globale de l’évolution de la société, de son poids, de ses risques et des causes. Il faut soigner les gens malades et surtout s’attaquer à cet environnement obésogène.

Vous êtes en quelque sorte la porte-parole de cette « communauté » obésité. Quelles sont vos prochaines actions « publiques » ?

Il faut continuer à marteler les choses. Retrouver le contact avec les politiques et notamment les nouveaux du Ministère du Travail et de la Santé. Nous devons avoir plus de données d’enquête également, les faire remonter aux décideurs. C’est fondamental d’améliorer cela. On doit avancer là-dessus pour aller encore plus vite.